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Université de BordeauxFrance 2023
 

4e atelier national POPSU Métropoles : retour sur les logiques spatiales de l'inflation immobilière à Bordeaux

Co-organisé par le PUCA et la plateforme bordelaise, le 4ème atelier national POPSU Métropoles s’est tenu le mardi 13 avril 2021 en visio-conférence réunissant plus de 100 personnes – élus, agents de Bordeaux Métropole, professionnels de l'urbain, chercheurs et membres de la plateforme au niveau national – autour du thème « Des métropoles attractives et hospitalières ? Vers une politique du quotidien ». Retour illustré sur la présentation du chercheur bordelais, Guillaume Pouyanne, Maître de Conférences en économie à l'Université de Bordeaux/GREThA, grâce à une facilitation graphique de Samirah Tsitohaina, chargée de médiation en stage au Forum urbain.


Cet atelier invitait à penser ensemble attractivité et hospitalité. Quelles peuvent être les externalités négatives de l'attractivité ? Comment la maîtriser afin de rendre la métropole habitable par tous – y compris les nouveaux arrivants ? Autre manière de formuler la nécessité d’une politique du quotidien attentive à la manière dont tous les habitants peuvent vivre (bien, sinon du moins « au mieux ») dans la métropole. Autant de questions soulevées par les travaux présentés, mis au débat et éclairés par les points de vue des élus, Alain Anziani, Président de Bordeaux Métropole, et Bernard-Louis Blanc, Vice-Président Stratégies urbaines et gestion des risques inondation et technologiques.


Pouvant être perçue comme une conséquence de l’attractivité, l’inflation immobilière est l’objet du travail de recherche conduit par Frédéric Gaschet, Guillaume Pouyanne et Aurélie Lalanne, référents de l’axe 2 du projet POPSU Bordeaux, la métropole en partage ?) dont les résultats préliminaires étaient présentés ce matin-là.

Partant du constat largement partagé que la métropole bordelaise connaît, ces dernières années, une forte hausse des prix sur le marché de l’acquisition, Guillaume Pouyanne tente d'objectiver ce phénomène. Si certains quartiers sont le lieu d’une forte hausse des prix (hypercentre, Saint-Michel…), certains autres semblent laissés à l’écart de cette évolution (par exemple, Caudéran). L’ambition, dans ce projet, est de caractériser l’inflation immobilière de ces dernières années dans la métropole bordelaise, d’un point de vue spatial. L’hypothèse testée est celle d’un processus de gentrification de certains quartiers.


A partir de la base de données "Demandes de Valeurs Foncières" « DV3F » (Cerema, Ministère de la Transition Ecologique) obtenue grâce au concours des services de Bordeaux Métropole, la dynamique des prix fonciers et immobiliers est étudiée au niveau spatial le plus fin possible (l’unité Iris comprenant 2000 habitants), et avec un recul temporel d’environ une décennie. Le chercheur doit tout d'abord construire son propre outil. En effet, le prix au mètre carré ne représente pas l’effort budgétaire consenti par les ménages et le prix de la transaction est sensible aux effets de structure c’est-à-dire aux caractéristiques du parc immobilier du quartier.

Le bien immobilier est donc un bien complexe qu’on peut décomposer en caractéristiques élémentaires auxquelles correspondent des prix implicites : c’est la théorie des prix hédoniques. Cependant, les prix implicites peuvent varier spatialement : c’est pourquoi les auteurs classifient les quartiers de l’agglomération en 6 catégories, selon la méthode de « l’ADN des quartiers » développée par la géographe Catherine Delmelle, qui se base sur la composition sociale des quartiers. La dernière étape : reconstituer, à partir des prix implicites, un Indice de Prix dit « Hédonique » (IPH) pour chaque quartier, qui permet de contrôler l’effet de structure. On regarde ensuite l’évolution dans le temps de l’IPH.


Prenant pour hypothèse de départ l’amplification du processus de gentrification au cours des années 2010, le chercheur a analysé la variation des prix d’un point de vue spatial.

Au début de la période, l’augmentation des prix immobiliers est surtout localisée dans les espaces périurbains de l’ouest, ainsi que dans certains quartiers centraux déjà valorisés. On peut l’interpréter comme une recherche de sécurité pour les investisseurs suite à la crise de 2008.

En fin de période en revanche, l’augmentation des prix immobiliers est plus élevée dans le centre historique, spécialement dans les quartiers populaires autour du quartier Saint-Michel, et dans certains quartiers peu valorisés comme à Talence. On peut y voir l’accélération d’un processus de gentrification latent depuis plusieurs années, alors que le cycle immobilier de l’agglomération est ascendant.

Partant de ce constat, les auteurs ont cherché à savoir s’il existait des « effets de bord » liés à la gentrification : selon Christafore et Leguizamon, les classes populaires migrent souvent vers les quartiers voisins de leur ancien quartier désormais gentrifié. La conséquence de cet effet de bord est un accroissement des inégalités de revenu dans les quartiers adjacents, une hypothèse elle-aussi corroborée par cette étude.


L'étude entre maintenant dans sa deuxième phase qui s'intéressera à la période antérieure (2000-2010) et se confrontera à de nouvelles hypothèses, comme celle de la "gentrification endogène" (Guerrieri, 2013), c’est-à-dire la « contagion » de l’augmentation des prix des quartiers centraux déjà riches vers les quartiers voisins où des classes moyennes supérieures tendent à s'installer pour profiter des aménités déjà présentes.

Ou l’estimation, toujours débattue, du « rent gap » de Neil Smith, théorie selon laquelle la gentrification intervient lorsque la différence de valeur entre différents usages pour un même terrain est suffisamment grande pour inciter les investisseurs à modifier la destination de la parcelle. Enfin, la disponibilité de données sur long terme permettra de tester l’hypothèse d’une augmentation des prix le long des axes de transport en commun construits pendant les années 2000, et d’examiner dans quelle mesure cela a provoqué de la gentrification.


Ces travaux ont suscité l'intérêt et la curiosité des participants. Ils seront présentés dans les prochains mois aux services concernés de Bordeaux Métropole partenaires du programme POPSU et pourront faire l'objet de publications. A suivre !

Pour aller plus loin :

● [article] LE GOIX R., 2016, Du manteau d’Arlequin au Rubik’s cube : analyser les multiples dimensions de trente années d’évolutions socio-économiques des quartiers en Californie du Sud, Géoconfluences, ENS Lyon
● [revue scientifique] AUTHIER J.-Y., BIDOU-ZACHARIASEN C. (dir.), La question de la gentrification urbaine, Espaces et Sociétés, N° spécial, 2008/1, 132-133.
● [ouvrage] BIDOU-ZACHARIASEN C. (dir.), Retours en ville : des processus de « gentrification » urbaine aux politiques de « revitalisation » des centres, Paris, Descartes & Cie.
● [ouvrage] MAURIN E., 2004, Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social, Seuil, La République des Idées.


Références citées
:

● DELMELLE E. C., 2016, "Mapping the DNA of Urban Neighbourhoods : clustering longitudinal sequances of neighbourhood socioeconomic change", Annals of the American Association of Geographers, 106 (1), pp. 36-56.
● DELMELLE C., 2021, "Transit-induced gentrification and displacement : the state of the debate", Unpublished Paper, University of North Carolina at Charlotte.
● CHRISTAFORE D., LEGUIZAMON S., 2019, "Neighbourhood inequality spillover effects of gentrification", Papers in Regional Science, 2019, 98, pp. 1469-1484.
● GUERRIERI V., HARTLEY D., HURST E., 2013, "Endogenous gentrification and housing price dynamics", Journal of Public Economics, 100 (2013), pp. 45-60.
● SMITH N., 1996, The new urban Frontier : gentrification and the revanchist city, Routledge.

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Dernière mise à jour mardi 04 mai 2021