Frédéric Gaschet, économiste de l’immobilier et de la ségrégation spatiale
Crédit photo : Forum urbainEconomiste rattaché au GREThA, Frédéric Gaschet s’intéresse aux formes urbaines et à la ségrégation spatiale liée aux prix du foncier et de l’immobilier. En parallèle de ses activités de recherche, il est vice-doyen d’une licence d’économie et gère un master à l’Université de Bordeaux : voilà un chercheur qui n’est pas économe de son temps ! Portrait.
Entretien réalisé par Charlotte Hemery, stagiaire au Forum urbain en 2018.
Quel est votre parcours ?
J’ai fait une grande partie de mes études supérieures à Poitiers, où j’ai la particularité d’avoir suivi à la fois une maîtrise d’économie et de sociologie. Pendant ma licence, je suis tombé par hasard dans une librairie sur un livre d’économie régionale et urbaine : c’est ce qui m’a donné envie de m’engager dans cette voie. J’ai ainsi réalisé un mémoire sur les systèmes productifs locaux, très inspiré des approches développées à l’époque par Yannick Lung[1], qui m’a alors appelé et conseillé de venir à Bordeaux pour suivre un DEA d’économie spatiale approfondie. Mon parcours est ensuite assez linéaire : j’ai rédigé une thèse intitulée "La polycentralité urbaine", avec pour terrain Bordeaux mais aussi l’ensemble des villes françaises. Je m’intéressais à l’évolution des formes urbaines, au développement de structures à plusieurs centres et à ses implications. Aujourd’hui je suis enseignant-chercheur à l’Université de Bordeaux, où je suis également vice-doyen de la licence "Administration Économique et Sociale" et en charge d’un master.
A quels grands enjeux urbains vos travaux de recherche répondent-ils ?
Le premier sujet auquel je me suis intéressé était celui de la maîtrise de l’étalement urbain à travers le polycentrisme. Il s’agit d’une forme de réponse soutenable à l’étalement par la fabrication d’une ville accessible au plus grand nombre, avec la possibilité de relier les principaux centres par des systèmes de transports efficaces. Par la suite, j’ai travaillé sur la ségrégation urbaine et sur la formation des prix fonciers et immobiliers, deux thèmes que j’ai reliés en étudiant le rôle du marché immobilier dans les mécanismes économiques de la ségrégation. Avec une étude sur Bordeaux, j’ai pu prouver que les mécanismes traditionnels de formation des prix de l’immobilier (accessibilité, proximité des aménités etc.) ont moins d’impact que les effets de voisinage, c’est-à-dire les caractéristiques socio-économiques du quartier. Aujourd’hui je m’intéresse de plus en plus à l’économie du logement dans un contexte d’inflation immobilière, et plus particulièrement aux stratégies de maitrise foncière pour arriver à contenir les prix des logements.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers la recherche ?
J’ai longtemps pensé à l’enseignement avec pour projet de passer le CAPES et l’Agrégation. La recherche est venue sur le tard : c’est avec mon mémoire de maitrise que j’y ai pris goût et que j’ai décidé de m’engager dans cette voie.
A quoi ressemble votre quotidien en tant qu'enseignant-chercheur ?
On croit souvent que le statut d’enseignant-chercheur donne une grande latitude dans l’organisation de son emploi du temps mais ce n’est pas le cas : l’année est assez chargée du fait de mes responsabilités pédagogiques au sein de la licence et du master, entre les cours, les réunions avec les professeurs et la phase de traitement des dossiers et de recrutement. Je parviens surtout à dégager du temps pour mes travaux de recherche à la fin de l’année scolaire, entre mai et juillet.
Quelles sont pour l'instant vos plus grandes réussites ou vos plus grandes fiertés ?
Je suis assez satisfait d’avoir pu démontrer que les prix de l’immobilier sont de plus en plus influencés par la structure de peuplement et les caractéristiques socio-économiques du voisinage, et de moins en moins par des critères d’accessibilité.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Le premier projet, que je suis en train de finaliser, porte sur l’impact de la globalisation sur la polarisation sociale dans les grandes villes européennes. Dans cette recherche, je souhaite nuancer l’hypothèse formulée par Saskia Sassen[2] des villes duales, pour démontrer que la globalisation n’induit pas nécessairement une polarisation des emplois. Un deuxième objectif serait de montrer que la globalisation peut impacter directement la ségrégation spatiale via les marchés immobiliers, sans passer par le canal de l’emploi. Enfin, je chercherai également à mieux saisir les effets de la médiation par les contextes et les dispositifs institutionnels. Un autre projet que nous sommes en train de relancer concerne les dynamiques foncières liées à la littoralisation, plus particulièrement sur le littoral girondin, en partenariat avec l’IRSTEA[3].
Que représente pour vous le Forum urbain ? Que vous apporte-t-il ?
Je suis très attaché au Forum urbain car la particularité de mon laboratoire, le GREThA, est que l’équipe urbaine dont je fais partie est aujourd’hui relativement réduite, suite à plusieurs départs à la retraite. Cela induit des difficultés à peser sur les grands sujets liés à l’urbain. Je suis donc très content que le Forum et son réseau pluridisciplinaire existent, car si les relations avec les autres laboratoires existaient elles n’étaient pas systématiques et j’ai aussi pu y faire des rencontres. Pour moi, c’est exactement le modèle de ce qu’il faut faire.
Quelles sont vos loisirs en dehors de la recherche ?
Le fils, de Philippe Meyer est un de mes grands romans coups de cœur : c’est une fresque sur la porosité de la frontière entre le Mexique et le Texas au moment de la constitution des Etats-nations au XIXème siècle. A propos de mes passions, j’aime aussi beaucoup le sport notamment le tennis et le foot, et puis le cinéma aussi mais ce n’est pas toujours facile de s’y rendre régulièrement lorsque l’on a des enfants !
Quelques travaux disponibles en ligne : |
[1] Économiste, professeur émérite de l'Université de Bordeaux.
[2] Sociologue et économiste, spécialiste de la mondialisation et de la sociologie des très grandes villes du monde.
[3] Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.