Myriam Casamayor, ou la recherche au service de l’action
Docteure rattachée au laboratoire PASSAGES et urbaniste au cabinet UA64, Myriam Casamayor s’intéresse à la politique d’aménagement du littoral néo-aquitain ; une manière de valoriser la recherche comme outil d’aide à la décision publique et de tirer parti de ses expériences professionnelles dans le privé.
Entretien réalisé par Jocelyn Noirot, stagiaire au Forum urbain en 2017.
Quel est votre parcours ?
J’ai un parcours un peu atypique ! J’ai d’abord réalisé un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) en carrières sociales, gestion urbaine et développement touristique à Périgueux pendant deux ans. L’idée était de me professionnaliser dans le domaine du tourisme. Je suis ensuite partie un an en Erasmus près de Valence en Espagne, ce qui m’a permis de me rendre compte des effets pervers du tourisme, bien qu’il participe au développement d’un territoire. C’est à partir de cette expérience que j’ai décidé de ne plus m’orienter vers la création de projets touristiques, mais d’accompagner les territoires vers la recherche de leur équilibre, entre développement et préservation des espaces. J’ai alors obtenu un Master 2 en urbanisme, habitat et coopération internationale en alternance à l’Institut d’Urbanisme de Grenoble. Mon intérêt à l’époque était plutôt d’accéder à la profession d’urbaniste et de travailler directement dans l’opérationnel ; je n’envisageais alors pas du tout de faire une thèse !
Après diverses expériences professionnelles (l’agence d’urbanisme catalane de Perpignan, bureaux d’étude à Pau et à Bordeaux, ainsi qu’un passage au Conseil des élus et Conseil du développement du Pays Basque), j’ai pallié le manque de connaissances relatives à l’héritage de l’ancienne politique d’aménagement touristique du littoral aquitain (MIACA : 1967-1988) en réalisant une thèse. Les notions d’héritage et d’hérédité forgées par Patrick Geddes [1] m’ont permis de comprendre le processus par lequel un objet historique perdure, ou non, dans la période contemporaine. Au moment de l’apparition des lois de décentralisation, de la loi Littoral[2] et de la loi NOTRe[3], j’ai en effet observé dans cinq sites d’étude et à l’échelle régionale des continuités et des bifurcations territoriales liées à la volonté des acteurs publics du littoral ex-aquitain de transmettre quelque chose aux générations futures.
A présent, j’accompagne les élus de différents territoires au sein du bureau d’études en urbanisme UA64, ce qui me permet de cultiver mes compétences scientifiques, en mobilisant de nouvelles données empiriques.
A quels grands enjeux urbains vos travaux de recherche répondent-ils ?
Grâce à ma thèse et à l’opportunité de poursuivre ces recherches dans le cadre de mon emploi, je m‘intéresse aux enjeux de la littoralisation : effets de la métropolisation sur le littoral, préservation des espaces naturels agricoles et forestiers face à l’artificialisation des sols, risques d'érosion menaçant 5 800 logements d'ici 2050.
Qu’est-ce qui vous a attirée vers la recherche ?
C’est essentiellement l’envie d’approfondir des concepts d’urbanisme et d’aménagement du territoire auxquels j’avais été directement confrontée durant mes expériences professionnelles et sur lesquels il existait un déficit de connaissances scientifiques. La recherche m’a alors semblé pertinente et intéressante pour servir l’action publique ; je la conçois comme un véritable outil d’aide à la décision.
A quoi ressemble votre quotidien ?
Il s’avère différent d’un emploi de chargée d’étude ou de celui d’une doctorante. J’ai trouvé, en effet, un travail hybride relevant plutôt de la Recherche et du Développement. D’une part, les livrables de mes études participent à l’élaboration d’une recherche et d’autre part les résultats de celle-ci permettent d’enrichir les conseils prodigués aux élus. Bien que les études menées par UA64 prennent la majorité de mon temps, j’essaie régulièrement de faire le point sur les nouvelles données collectées dans le but d’avancer dans ma recherche. Actuellement, le projet INTER-ACTIONS, soutenu par le Forum urbain, le laboratoire PASSAGES et le bureau d’études UA64, me pousse à y consacrer davantage de temps. Il a pour objectif de définir les modalités sous lesquelles des professionnels de l’urbain et des scientifiques peuvent développer une méthode commune dans le but d’apporter un savoir hybride (savoir-faire et connaissances scientifiques) à un territoire et ses habitants. Pour y parvenir, une recherche expérimentale sera menée pendant 6 mois sur un territoire.
Quelles sont pour l'instant vos plus grandes réussites ou vos plus grandes fiertés ?
Je suis satisfaite aujourd’hui d’appréhender avec plus d’aisance le quotidien des chercheurs qui, jusqu’alors, me paraissait très mystérieux d’un point de vue de la chargée d’étude que j’étais. Depuis l’obtention de ma thèse, je suis heureuse également d’échanger avec des universitaires, en utilisant des outils communs, ainsi qu'avec des élus et techniciens, en mobilisant mes nouvelles compétences forgées dans le cadre de mon doctorat.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je souhaite poursuivre l’accompagnement des acteurs du territoire en favorisant une approche par la recherche. Pour cela, j’ai à cœur de saisir les opportunités qui mêlent les « deux mondes » en conduisant des actions d’intérêt général. Par ailleurs, j’aimerais également rendre plus accessible le monde de la recherche pour les professionnels de l’urbain et vice versa.
Que représente pour vous le Forum urbain ? Que vous apporte-t-il ?
Je trouve que sa création est une excellente initiative, et qu’elle était absolument incontournable dans une ville comme Bordeaux. J’en attends une émulation ; il me semble qu’il constitue le lieu adéquat pour accueillir tant des acteurs que des chercheurs, en vue de servir l’action et de nourrir la recherche. J’y ai toujours trouvé de bons conseils pour les projets que je souhaitais mener.
Quelles sont vos occupations en dehors de la recherche ?
De manière générale, j’aime découvrir de nouveaux horizons, activités et personnes. C’est pourquoi je suis souvent en dehors de chez moi ! Depuis 2019, je suis présidente de l’association Silverlink, qui vise à donner une plus grande place aux personnes âgées au sein de notre société. Au-delà la cause qui m'anime, la qualité du collectif composé d’une psychologue, d’un ergothérapeute, de deux développeurs webs, d’une directrice d’Ehpad et d’une infirmière, augure de belles perspectives d’actions pour les années à venir.
[1] Patrick Geddes (1854-1932) est un biologiste et sociologue écossais, très influent dans le domaine de l’urbanisme.
[2] Loi de 1986 qui vise à organiser le développement urbain de l'espace littoral tout en veillant à la préservation de son équilibre écologique.
[3] Loi de 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, visant à renforcer les compétences des régions et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).