André Suchet, observateur des sports de nature en ville
André Suchet est maître de conférences à l’Université de Bordeaux et chercheur au Laboratoire Cultures Education Sociétés (LACES). Les recherches de cet amateur de sports nautiques et de montagne portent sur l’artificialisation des sports de nature en ville. Portrait.
Entretien réalisé par Josselin Boulet, stagiaire au Forum urbain en 2020.
Quel est votre parcours ?
J’ai un parcours varié. Je tire une grande partie de mes compétences des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), mais je suis également passé par l’Institut de géographie alpine, le Centre d’Etude et de Recherche sur les Montagnes Sèches et Méditerranéennes (CERMOSEM), Sciences Po Grenoble et l’Université d’Avignon. J’ai préparé ma thèse en géographie à l’UMR PACTE auprès de John Tuppen et Dominique Jorand. Mes recherches doctorales portaient sur l’organisation des loisirs sportifs dans les Alpes et dans les Pyrénées et la question de l’événementiel sportif de nature. Après une courte expérience professionnelle pour l’Université autonome de Barcelone dans le cadre de la chaire Jean Monnet de Francesc Morata, j'ai travaillé en tant qu'ingénieur de recherche à Grenoble sur un programme européen en géographie politique. Je travaillais alors sur la coopération transfrontalière dans les Alpes et dans les Pyrénées. Puis, je me suis intéressé aux dynamiques du tourisme littoral et au tourisme urbain, dans le cadre d’un post-doctorat à l’Université Rovira i Virgili à Tarragone (Espagne). Depuis mon arrivée à Bordeaux, j'encadre différents parcours d'études autour du sport et des loisirs dans la région. Tout récemment, j’ai soutenu mon habilitation à diriger des recherches (HDR) sous la direction du géographe Jean-Pierre Augustin, enseignant-chercheur à l'Université Bordeaux-Montaigne / UMR PASSAGES.
Qu'est-ce qui vous a attiré vers la recherche ?
Je pense que c’est l’enseignement. J’ai d’abord souhaité être enseignant, puis le statut d’enseignant-chercheur m’est apparu comme une extension du métier, c’est ce qui m’a poussé à continuer. Dès lors, j’ai découvert la recherche, l’écriture et paradoxalement, je me suis finalement davantage impliqué dans la recherche que dans l’enseignement. Mais l’enseignement reste tout de même central pour moi. J'enseigne de la première année de licence à la dernière année de master dans plusieurs filières, y compris dans le parcours Magistère de la DAFPEN[1].
A quels grands enjeux de recherche urbaine vos travaux répondent-ils ?
Je m’intéresse aux enjeux de l’organisation du sport, du tourisme et des loisirs dans les territoires. Cela concerne prioritairement les espaces naturels, et notamment des espaces montagnards. La nature en ville est aujourd’hui l'un des sujets majeurs de la fabrique de la ville, comme en atteste notamment la "vague verte" des dernières élections municipales à Bordeaux, Tours, Lyon ou Strasbourg. Comme certains en avaient déjà fait la démonstration, la nature est un ailleurs récréatif de la ville, et parfois un ailleurs de proximité. Aujourd'hui, je m'intéresse à l’artificialisation des sites sportifs en ville. Mes nouveaux terrains de recherche sont les terrains de sport en friche et les rochers d'escalade ou lieux de surf artificiels (Wave Surf Café par exemple). Je travaille à la fois sur le regard particulier porté sur la nature, et sur la transformation des rapports aux activités corporelles concernées.
A quoi ressemble votre quotidien en tant qu'enseignant-chercheur ?
Une grande partie de mon quotidien est associé à l’enseignement, à la préparation des contenus, à la réalisation des cours en amphithéâtre et des travaux dirigés, au suivi pédagogique des mémoires et des stages que j’encadre. Je suis co-responsable du master "Gouvernance du sport et développement territorial" de la faculté des STAPS, qui s’intéresse à l’organisation politique et territoriale du sport. C’est un parcours exigeant qui prépare notamment aux métiers de la filière sportive de la fonction publique territoriale, avec le concours de Conseiller territorial des activités physiques et sportives. Une grande partie de mon temps est donc dédiée à l’organisation du master. On travaille notamment avec la mairie de Bordeaux et le directeur des sports de la ville, mais aussi avec Bordeaux Métropole, nouvel acteur des politiques sportives.
Et puis il y a mon quotidien de chercheur, parfois tourné vers des enquêtes de terrain, avec des visites, des entretiens, des enregistrements, des observations, des phases quasiment ethnographiques, et à d’autres moments beaucoup plus individuelles, où je me concentre sur l’analyse et l'écriture.
Quelles sont jusqu'ici vos plus grandes réussites ou fiertés ?
C’est certainement d’établir des liens entre les travaux de chercheurs de différents pays. Dans le cadre d’un partenariat international, je viens de publier, en co-direction avec Abderrazak El Akari, un ouvrage dans lequel une quarantaine de chercheurs, dont plusieurs membres du Forum urbain (Caroline Chabot, Marina Honta), interrogent les relations entre sport, politique et territoires en Europe, mais aussi en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. Que l’auteur américain publie dans une revue américaine, que le Français publie dans ses revues classées "rang A" et que nos collègues africains diffusent leurs recherches dans un bulletin publié par un imprimeur local, ça n’a pas vraiment de sens pour comprendre le monde en géographie, en sociologie ou en anthropologie. J’essaie aussi de faire des connexions entre formation et recherche, entre milieux académiques et professionnels, notamment à travers le master dans lequel interviennent professionnels et experts, dans le cadre de mises en situation professionnelle.
Que représente pour vous le Forum urbain ?nbsp;
A mon sens, le rôle du chercheur est de produire des connaissances nouvelles et de mettre à jour des données sur l’organisation sociale, politique et culturelle d’une société. Cette production de connaissances nouvelles doit servir, et c’est là qu’intervient le Forum urbain. Le Forum urbain comporte un rôle de diffusion de la recherche. Il permet aux acteurs de la ville de mobiliser la recherche, et à l'inverse, il nous rapproche des préoccupations des élus, des responsables, des ingénieurs ou des architectes. A la fin de mes études, à Grenoble, j’avais participé aux travaux du Laboratoire d'Excellence Innovation et TErritoires de Montagne (LabEx ITEM), qui réunissait jeunes docteurs, chercheurs, experts et intervenants du monde professionnel[2]. Le Forum urbain me permet de poursuivre dans cette dynamique à Bordeaux. A ce titre, je participe au projet INTER-ACTIONS porté par Myriam Casamayor avec le soutien du Forum urbain, qui me permet de faire du lien avec des professionnels et d'autres chercheurs.
En dehors de ces activités, que faites-vous ?
Malheureusement, mes loisirs sont assez réduits dans la période actuelle. Mais d'ordinaire, je pratique les activités sportives que j’étudie, à savoir la voile et les sports de montagne. Ce qui est paradoxal, c’est que plus je les étudie, moins je trouve le temps de les pratiquer.
Quelques travaux disponibles en ligne : |
[1] Parcours de préparation à l'agrégation interne mis en place par la Délégation Académique à la Formation des Personnels de l'Education Nationale (DAFPEN) de l’académie de Bordeaux.
[2] Constitué en 2011, le LabEx ITEM devient ITTEM en 2020 : https://www.labexittem.fr/