Géraldine Di Matteo : Repenser les mobilités du quotidien sur la métropole
Directrice adjointe de la
multimodalité à Bordeaux Métropole, Géraldine Di Matteo est très impliquée dans
les enjeux de la mobilité des usagers de la métropole bordelaise. Elle
s’intéresse aussi aux différentes thématiques qui croisent le sujet de la
mobilité, c’est pourquoi la relation entre chercheurs et praticiens lui tient à
cœur.
Entretien réalisé par Samirah Tsitohaina, stagiaire au Forum urbain en 2021.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Bien que je sois ingénieure territoriale dans le domaine des
transports publics aujourd’hui, j’ai démarré mon parcours par un bac en
science-économie, puis par une prépa littéraire. J’ai poursuivi en géographie
urbaine à l’Institut de géographie de Paris et j’ai ensuite intégré l’Ecole Nationale
des Ponts et Chaussées pour suivre un master en Aménagement et Maîtrise
d’ouvrage urbaine (AMUR). C’est là que j’ai découvert le monde du transport
public. J’ai réalisé mon stage de fin d’études à l’agence d’urbanisme de
Bordeaux et j’ai intégré un bureau d’études privé, EREA conseil, où j’ai travaillé
pendant 4 ans sur des projets d’urbanisme et de transports pour différentes
collectivités, partout en France. J’ai beaucoup appris, ce qui m’a poussé à passer
le concours de la fonction publique en 2004. J’ai intégré la Communauté Urbaine
de Bordeaux (CUB, actuellement Bordeaux Métropole pour travailler sur les
études de développement des lignes de tramway. Cela fait maintenant 17 ans que
je travaille à la direction générale des mobilités.
Qu’est-ce que recouvre
la mobilité ? Quelles sont vos missions au sein de Bordeaux Métropole
?
La mobilité, c’est le quotidien des habitants, cela conditionne leur qualité de vie et notre travail est d’améliorer leurs déplacements quotidiens. Aujourd’hui, les gens se déplacent beaucoup plus qu’il y a 40 ans. Il est donc important de pouvoir prendre en compte toute la chaîne de déplacement. C’est un défi de tous les jours car c’est un domaine complexe et il faut vraiment accompagner les gens au mieux, avec des solutions en adéquation avec leurs différents types de déplacements. On doit faire en sorte qu’ils aient le choix et que leurs déplacements soient le plus faciles et le plus rapide possible pour leur donner envie de passer à d’autres mobilités plus soutenables que la voiture individuelle.
A mon entrée à la CUB, j’ai commencé en tant que cheffe de projet des études de faisabilité de la phase 3 du tramway. J’ai ensuite travaillé sur le Schéma Directeur Opérationnel des Déplacements Métropolitains (SDODM) pendant 6 ans. Nous avons, durant cette période, menée de nombreuses études pour déterminer où passeraient les futures lignes de tramways et de bus à haut niveau de service de la Métropole. J’ai travaillé ensuite sur la stratégie des mobilités votée en 2016 ainsi que sur de nombreux projets métropolitains. En 2011, j’ai été nommée directrice adjointe de la Direction de la Stratégie et des Etudes de Déplacements puis en 2016 de la direction de la multimodalité. Je suis également responsable du service « Etudes, marketing et animation territoriale » dont les missions principales concernent la réalisation des études de déplacements (tramway, téléphérique, gare routière…), l’élaboration des volets « planification » des documents cadres (PLU, SCOT…), le suivi des démarches de plan de mobilité employeurs en lien avec les entreprises locales et la promotion des mobilités auprès des différents publics (salariés, nouveaux arrivants, étudiants, seniors…). Nous organisons ainsi régulièrement, avec mes collaborateurs, des évènements, des conférences, des animations pour sensibiliser les différents publics aux mobilités alternatives et apporter des solutions de déplacement au plus grand nombre.
En ce moment, nous
travaillons intensément sur la stratégie des mobilités de la nouvelle mandature :
il nous faut nous projeter dans l’avenir et développer une vision globale et
une bonne articulation de l’ensemble des modes de déplacement. Cette nouvelle
stratégie qui sera finalisée cet été constituera la feuille de route des
projets de mobilité qui seront réalisés dans les 15 prochaines années sur le
territoire métropolitain.
Quel rapport
entretenez-vous avec le monde de la recherche ?
Pendant longtemps, il y avait peu de liens entre nos
pratiques et celles de la recherche ; c’était très hermétique ! Aujourd’hui,
nous
collaborons avec le Forum urbain sur l’organisation de conférences thématiques
« grand public » au cours desquelles nous faisons
intervenir des chercheurs et des professionnels, experts des mobilités, sur des
sujets qui nous intéressent. On a commencé à s’ouvrir à ce monde par le biais
de la semaine européenne de la mobilité en 2017, en confiant à des chercheurs une
étude sur la question de la mobilité des femmes qui a abouti à un plan d’actions
mis en place par Bordeaux Métropole. L’année suivante en 2018, nous nous sommes
intéressés aux liens entre mobilité et santé, en invitant des intervenants
internationaux issus de la mobilité, de l’urbanisme, mais aussi de la médecine.
J’ai aussi eu l’occasion d’intervenir à l’Université dans des cours de
géographie, afin d’apporter aux étudiants une vision concrète du rôle d’une
collectivité territoriale telle que la Métropole dans le domaine des mobilités
et notamment le lien qui pouvait être fait avec l’approche géographique du
territoire. C’est ce lien que j’entretiens avec la recherche et qui reste
à approfondir : cette complémentarité entre l’approche théorique universitaire
et la mise en pratique dans le cadre des politiques publiques.
Comment l’action
publique ou les initiatives citoyennes peuvent-elles être nourries ou éclairées
par la recherche ?
Les chercheurs ont cette capacité de nous ouvrir les yeux
sur des aspects et des sujets qu’on ne voit pas ou dont on n’a pas toujours
connaissance. Pour nous, il y a aussi un intérêt à les mobiliser sur la façon
de communiquer auprès de certains publics en identifiant mieux leurs
spécificités, de capter les sensibilités des différents publics et de voir ce
qui se fait ailleurs. Mais en réalité, cette relation est enrichissante pour
les universitaires comme pour les professionnels : cela leur permet de
tester leurs hypothèses en accédant à un territoire, à ses acteurs, pour ne pas
faire de la recherche « hors sol » et nous d’avoir une réflexion
intellectuelle sur les projets.
Que représente le
Forum urbain pour vous ? Comment a-t-il
a contribué à votre travail ?
Le Forum urbain, c’est d’abord de bonnes relations établies avec des professionnels. Ils ont une vraie expertise et sont force de proposition. La dernière expérience en date est celle d’un projet collectif science politique / architecture pour lequel nous avons demandé aux étudiants de Sciences Po Bordeaux et de l’ensapBx de s’attaquer à la question épineuse des mobilités dans le périurbain. Cet échange nous a apporté un regard neuf sur les besoins et les stratégies à adopter sur ces territoires.
Le Forum urbain, représente
pour moi une « porte d’entrée » dans le réseau d’universitaires qui
travaillent sur la ville, et qui nous permet de nous orienter vers les bons
interlocuteurs. Ce qui est intéressant évidemment, c’est ensuite de pouvoir
créer des synergies avec eux sur des sujets d’intérêt communs.
Quels sont vos
projets à l’avenir ?
Pour l’instant, la
stratégie des mobilités est notre principal enjeu. Il s’agira ensuite de mener
toutes les études pré-opérationnelles permettant de mettre en œuvre les projets
retenus. Nous travaillons également à la programmation de la semaine européenne
de la mobilité 2021, en organisant différents événements comme le Vélotour ou un
appel à projets au niveau des communes pour valoriser leurs projets locaux en
matière de mobilité, et en organisant avec le Forum urbain une journée de
conférences et de tables rondes, qui sera dédiée cette année aux mobilités
périurbaines.
Dernière
question : quels sont vos loisirs en dehors de votre profession ?
Je fais de la natation depuis longtemps et du yoga. Je joue également de la guitare et j’adore voyager. A ce propos, je suis aussi référente des relations internationales à la direction générale des mobilités ! J’ai donc à ce titre le plaisir d’accueillir des délégations étrangères afin de leurs présenter nos projets de mobilité et de partir en mission à l’étranger dans le cadre de coopérations décentralisées. J’ai par exemple travaillé au Mexique sur un projet de création d’une ligne de Bus Rapid Transit (une ligne de cars express) dans le cadre d’un accord de coopération avec l’Etat du Guanajuato, puis en Inde à Hyderabad, et depuis 3 ans, je travaille avec la communauté urbaine de Douala au Cameroun. Nous les avons aidés à structurer leur schéma de transports, ainsi qu’à répondre à un appel à projet européen qui leur a permis d’avoir un financement pour la structuration de la gouvernance des mobilités.