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Université de BordeauxCluster of excellence
 

Nathalie Corade, une chercheuse épanouie dans la campagne

Nathalie Corade, une chercheuse épanouie dans la campagne

Nathalie Corade est économiste territoriale, Maître de conférences à Bordeaux Sciences Agro. Partie de recherches sur les grandes métropoles internationales, elle s'intéresse aujourd’hui à la revalorisation et la défense des territoires ruraux. Portrait. 

Entretien réalisé par Marine Luce, stagiaire au Forum urbain en 2019.

Quelles sont vos grandes thématiques de recherche ?

Je suis Maître de conférences en économie à Bordeaux Sciences Agro depuis 25 ans. Je donne des cours d’économie générale, d’économie agricole, et je suis responsable d’une spécialisation intitulée "Agricultures, proximité et territoires d’ici et d’ailleurs" qui a pour vocation de former de jeunes ingénieurs à l’accompagnement de projets de développement territorial emprunts d’agriculture de proximité. Je suis ce que l’on qualifie d’"économiste territoriale". Depuis 5 ans je travaille sur le lien entre l’agriculture de proximité et le développement territorial, et je coordonne un programme de recherche sur les circuits courts intitulé PerfeCTo (Performance des circuits courts et de proximité et territoires), cofinancés par l’INRA[1], et la Région Nouvelle-Aquitaine. Je participe également au programme APAL (Agriculture de proximité et politique alimentaire locale) qui s’intéresse aux projets alimentaires de territoires. L’objectif de mon travail est de faire comprendre l’utilité et l’importance d’avoir des agriculteurs dans nos territoires, à redonner du sens au métier, et à l’agriculture comme support de lien entre la ville et la campagne. Remettre l'alimentation au coeur de la construction des territoires est une préoccupation qui m’intéresse beaucoup. En dehors de mes activités de recherche et d’enseignement, je mène des actions d’expertise qui me permettent d’accompagner la mise en place de projets alimentaires territoriaux. En ce moment je travaille avec une bonne douzaine de territoires en Nouvelle-Aquitaine qui se lancent dans ce genre d’initiatives.

Comment vous êtes-vous orientée vers la recherche ?nbsp;

Je sortais d’un bac B (qui correspondrait au bac ES aujourd’hui) et je ne savais pas vraiment vers quoi m’orienter. Deux professeurs d’économie dont je me sentais proche m’ont conseillé de m'orienter l'un vers la science politique et l'autre vers les sciences économiques, et j’ai choisi de faire les deux. Cela s’avéra finalement assez coûteux et compliqué, c'est pourquoi terminé ma formation plutôt en sciences économiques. Tout s'est ensuite fait naturellement. J’ai eu mon DEUG[2] et en fin de maîtrise j’ai rencontré Claude Lacour, qui m’a incitée à poursuivre dans le DEA[3] qu'il dirigeait. Il m’a ensuite proposé une bourse de thèse, ce qui m’a semblé être une opportunité qui ne se refusait pas d’autant que j’adorais les études. J’ai trouvé le travail de thèse difficile, j’ai toujours préféré enseigner et finalement le goût pour la recherche est venu au fur et à mesure. Quand j’ai terminé ma thèse, un poste de Maître de conférences s’ouvrait à Bordeaux Sciences Agro et j’ai eu la chance de l’obtenir. Aujourd’hui ce que j’aime c’est la recherche action, c’est-à-dire la recherche pour ceux qui en ont besoin. Je ne fais pas de recherche académique et fondamentale, je mets plutôt mes travaux au service des territoires.

Quel est selon vous, l'apport de vos recherches sur les grandes questions urbaines ?nbsp;

Ma trajectoire est assez spéciale puisque j’ai d’abord fait une thèse sur les plus grandes villes du monde et la métropolisation. En arrivant à Bordeaux Sciences Agro, il a fallu que je laisse de côté cette dimension urbaine pour m’intéresser à la ruralité. J’ai dû me renseigner sur les univers de la vigne et du vin que j’ai explorés pendant un temps. Puis j’ai changé de thématique pour travailler plutôt sur le sujet des circuits courts et sur la relocalisation de l’agriculture. Cela m’a rapidement rapprochée des questions urbaines, concernant notamment le regard porté par la ville sur l’agriculture rurale. J’ai alors choisi de m’intéresser à la manière dont les villes peuvent aujourd’hui donner de la place à l’espace rural sans être prédatrices, en imaginant un modèle de développement territorial qui réconcilie le développement de la ville et de la campagne à travers l’agriculture.

Comment s'organise votre travail au quotidien ?nbsp;

Ce n’est pas facile tous les jours de trouver un équilibre dans le métier d’enseignant-chercheur ! Je me sentais plutôt enseignante au début de ma carrière et j’ai beaucoup investi dans l’enseignement au détriment la recherche. Il y a environ 6 ans, je me suis rendue compte que j’aimais aussi la recherche. Cela arrive très tardivement mais j’ai compris que mes travaux de recherche-action étaient très utiles pour mes enseignements : j’apprends des choses que je transmets aux étudiants, et leurs questions alimentent en retour mes recherches. Ce que j’aime dans mon travail c’est que l’on ne connait pas la routine. Je suis très épanouie car tout ce que je fais a du sens pour moi, j’y prends beaucoup de plaisir bien que cela nécessite du temps et que je sois parfois frustrée de pas pouvoir en faire plus. Donc mes journées sont toniques, elles commencent tôt et se finissent tard. Je me sens privilégiée car j’aime ce que je fais. Je travaille avec des partenaires très différents comme Bordeaux Métropole ou encore le Forum urbain, et j’adore les rencontres que je fais dans le cadre de mon travail.

Quelles sont pour l'instant vos plus grandes réussites ou vos plus grandes fiertés ?nbsp;

Ce qui me rend fière dans mon parcours c’est de ne pas m'être enfermée dans le confort de l’objet de recherche. J’en suis quand même à mon quatrième changement de sujet, et j’en fais une petite fierté car il peut être facile de s’installer dans une thématique de recherche et de la "tirer" pendant 30 ans. Moi je ne peux pas fonctionner comme ça. On pourrait en faire un défaut en disant que je ne suis pas une "vraie experte", que ce n’est pas très sérieux de changer de sujet de recherche souvent, mais j’ai du mal à rester dans une zone de confort sans m’ennuyer. J’ai besoin de changer de sujet lorsque j’ai l’impression d’en avoir fait le tour et de reproduire la même chose. Je suis heureuse de cette capacité à rebondir, et de réussir à être reconnue pour mon travail sans être une experte, notamment sur mes thématiques actuelles dont j’ai réussi à me saisir rapidement alors qu’elles n’avaient encore jamais été traitées en Nouvelle-Aquitaine.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Sur le plan personnel j’aimerais accompagner mes enfants dans leur épanouissement y compris professionnel. Je suis convaincue que le vrai privilège est aujourd’hui de faire ce dont on a envie, de s’épanouir dans ce que l’on fait et de le vivre bien. Sur le plan professionnel, j’ai beaucoup d’idées. Je trouve que la carrière d’enseignant-chercheur dissocie trop recherche et enseignement et j’aimerais jouer un rôle à l’interface des deux. J’aspire à structurer un consortium alliant recherche, formation et transfert de savoirs autour des sujets d’alimentation de proximité et de territoires, au moins à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine.

Que représente pour vous le Forum urbain ? Que vous apporte-t-il en tant que chercheuse ?

J’ai découvert le Forum urbain lorsque j’ai été conviée à prendre part au groupe de travail des Ateliers Bordeaux Métropole 2050 qu’il animait. Il y a quelque chose de savoureux à se dire qu’un Centre d’innovation sociétale sur la ville est à l’écoute de ce que je fais alors que mon entrée n’est pas l’agriculture urbaine. C’est très important pour moi que le Forum urbain ne s’intéresse pas seulement à la ville pour la ville, mais aussi à d’autres regards comme celui d’une ruraliste comme moi. Le Forum urbain m’a également permis de faire de nouvelles rencontres enrichissantes et c’est très chouette !

Quels sont vos loisirs en dehors du travail ?nbsp;

J’adore aller au cinéma avec mes enfants, nous sommes très cinéphiles bien que nous en ayons peu l'occasion. J’aime également lire, et en ce moment je lis un roman japonais qui s’appelle Le restaurant de l’amour retrouvé d’Ito Ogawa. Il raconte l’histoire d’une femme japonaise qui retrouve son appartement vide après une rupture avec son compagnon, et qui décide de quitter son logement pour créer son restaurant à base de produits locaux. Je fais aussi un petit peu de sport, et j’aime voyager même si ce n’est jamais très loin ! Récemment je suis partie 10 jours en Angleterre et en Ecosse avec mes enfants sur le thème de Harry Potter. Nous avons suivi l’auteure et ses personnages jusqu’aux Highlands en Ecosse et c’était superbe !

Auriez-vous une autre lecture ou un film à nous conseiller ?nbsp;

Un livre que je conseille régulièrement s’intitule Les gratitudes de Delphine de Vigan, c’est un ouvrage sur la vieillesse et la fin de vie qui est un bel hommage aux personnes âgées et aux soignants qui les accompagnent. J’adore aussi les bandes dessinées notamment Les passagers du vent qui est une série fantastique. Une autre BD que j’apprécie également : Les ignorants qui raconte l’histoire d’une rencontre entre un dessinateur de BD et un viticulteur en biodynamie.

Quelques travaux disponibles en ligne :
● [vidéo] Interview filmée de Pays et quartiers de Nouvelle-Aquitaine (PQNA) à la suite du Forum sur l'alimentation, l'agriculture et les territoires organisé en février 2020 à Angoulême.
● [article] "Existe-t-il une ambiance territoriale favorable au développement et au maintien des circuits courts et de proximité ?" (avec Marie Lemarié-Boutry, Armelle Gomez et Stéphanie Pérès), 2019.
● [ouvrage] Essai géographique sur la crise du Bordeaux (avec Jean-Claude Hinnewinkel et Hélène Velasco-Graciet), MSHA, 2015.
● [rapport d'étude] "Analyse des stratégies territoriales en faveur des circuits courts et de proximité en Aquitaine", en co-direction avec Pierre Blanc, 2014-2015.
● [article] "Les coopératives vinicoles sont-elles encore des entreprises locales ? Étude des comportements spatiaux de sept coopératives vinicoles aquitaines"Revue internationale de l'économie sociale, n°285, juillet 2002.


[1] Institut National de la Recherche Agronomique
[2] Diplôme d’Etudes Universitaires Générales, correspondant aux deux premières années de l’université, après le baccalauréat et avant la licence
[3] Diplôme d’Etudes Approfondies, correspondant désormais à un master 2 recherche

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