Sophie Lafon, spécialiste de l'univer-city
Crédit photo : Forum urbainJeune docteure en science politique, Sophie Lafon se situe à l’interface entre métropole et université, dont elle a étudié les relations dans les villes de Berkeley (USA) et Bordeaux ; une question de recherche qu’elle a ensuite pu explorer sous un angle plus opérationnel en tant que chef de projet par intérim du Forum urbain. Portrait.
Entretien réalisé par Charlotte Hemery, stagiaire au Forum urbain en 2018.
Quel est votre parcours ?
J’ai suivi une formation d’histoire contemporaine à l’Université Bordeaux Montaigne jusqu’à un master axé sur la recherche. Un partenariat avec les universités de Californie m’a permis de partir pendant ma première année de master aux Etats-Unis, à Berkeley. J’y ai travaillé sur les relations entre la ville et l’université sur la période de 1945 à 1980. Ensuite, j’ai intégré le master "Sociétés, Pouvoirs, Représentations", commun au département de sociologie de l’Université de Bordeaux et à Sciences Po Bordeaux, au cours duquel j’ai réalisé un mémoire de recherche sur l’impact des transformations des structures universitaires sur l’action des collectivités locales. Ce travail m’a permis de faire des rencontres au sein de Bordeaux Métropole, qui m’a ensuite accueillie dans le cadre d’une thèse CIFRE[1] dont l’objectif était d’accompagner son positionnement stratégique en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation.
A quels grands enjeux urbains vos travaux répondent-ils?Mes recherches portent sur l’existence et les modalités de la gouvernance métropolitaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le fait que la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) de 2014 offre la possibilité aux métropoles d’intervenir de manière plus simple et systématique dans ce domaine m’a permis d’être au cœur des changements en cours et d’étudier la manière dont Bordeaux Métropole allait s’en saisir. Ma thèse s’est ainsi focalisée sur la genèse (ou la transformation) de la politique publique métropolitaine en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Mais penser l’enseignement supérieur induit aussi de s’intéresser à de nombreux domaines connexes comme l’économie, les transports, l’urbanisme, les partenariats européens. De plus, un lien avec l’Association des villes universitaires de France m’a permis de voir comment d’autres métropoles se saisissaient de la question.
Pourquoi vous êtes-vous orientée vers la recherche?
Mon orientation vers la recherche doit beaucoup aux opportunités qui se sont présentées à moi tout au long de mon parcours. La première a été la possibilité d’effectuer un échange universitaire aux Etats-Unis et de travailler sur un sujet de recherche qui me tenait à cœur. Le mémoire que j’ai réalisé durant mon année à Berkeley a été mon premier pas dans la recherche, puis j’ai trouvé exaltant de pouvoir m’approprier un sujet, de l’approfondir au fil des opportunités et de lui donner une dimension bordelaise et française.
Quelle est votre expérience de doctorante CIFRE ?
La réalisation d’une thèse CIFRE est un travail d’équilibriste qui suppose un partage de son temps entre la recherche et la contribution aux activités de la structure d’accueil. C’est une approche très particulière car on est sur le terrain dès le premier jour. Ce qui est stimulant c’est que tout au long des trois ans que dure la thèse, mes observations et analyses venaient nourrir les politiques publiques, et réciproquement. C’est une expérience très enrichissante, mais aussi déstabilisante car il ne faut pas oublier son statut de chercheur dans une structure professionnelle ; mon directeur de thèse et ma référente au sein de Bordeaux Métropole ont joué un rôle important pour me permettre de trouver cet équilibre. L’intérêt du dispositif CIFRE est aussi de permettre à des structures qui ne sont pas toujours familiarisées avec la recherche d’y être sensibilisées et de voir ce qu’elle peut leur apporter.
En complément de ce portrait, écouter l'interview de Sophie Lafon au micro de Véronique De Poncheville dans l'émission "Que cherchent-ils?", diffusée le 26/02/2019 sur RCF Bordeaux.
Quelles sont jusqu'ici vos plus grandes fiertés et réussites ?
Je suis très heureuse d’avoir reçu le prix de thèse 2018 du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui récompense une thèse ayant contribué au progrès de la gestion et de l'administration locales. Être récompensée et voir son travail reconnu par un tel prix est particulièrement valorisant.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J’aimerais maintenant mettre mon expérience dans la recherche au service du monde professionnel. Cela pourrait se traduire par des missions impliquant la mise en place de partenariats, l’accompagnement au positionnement stratégique de certaines structures ou encore l’évaluation de politiques publiques, idéalement en lien avec l’enseignement supérieur et la recherche.
Que représente pour vous le Forum urbain ?
Je connais le Forum urbain depuis longtemps, et je l’ai tout d’abord rejoint par la voie professionnelle plutôt que par celle de la recherche puisque je suivais ce dossier à Bordeaux Métropole pendant ma thèse. J’ai par ailleurs une relation particulière avec le Forum car j’en ai été la chef de projet pendant 6 mois. Pour moi, c’est une très belle idée qui vient alimenter les réflexions des acteurs socio-économiques et des collectivités, et qui permet de les familiariser au milieu de la recherche et ainsi de déconstruire les idées préconçues sur celle-ci. En plus de cela, le Forum urbain rend possible une construction croisée des grands enjeux grâce aux liens et rencontres qu’il rend possible.
Quels sont vos loisirs et lectures en dehors de la recherche ?
Depuis la fin de ma thèse, j’apprécie de pouvoir recommencer à lire pour le plaisir ! A tel point que je lis plusieurs livres en même temps. Je jongle actuellement entre la biographie de Malala Yousafzai, No is not enough de Naomie Klein, Le livre des livres perdus de Giorgio Van Straten… J’ai également plusieurs projets de voyage, au Monténégro et pourquoi pas revenir aux États-Unis !
Travaux disponibles en ligne : ● [thèse] "L’université dans la Métropole : la Communauté Urbaine et l’Université de Bordeaux", thèse de doctorat de science politique sous la direction de Vincent Hoffmann-Martinot, Université de Bordeaux, 2017. |
[1] Convention Industrielle de Formation par la Recherche, basée sur un partenariat tripartite entre un doctorant, un laboratoire de recherche et une structure professionnelle.