Manon Laugaa, "smart" doctorante
Crédit photo : Forum urbainDoctorante au sein de la société de conseil Metapolis, Manon Laugaa s’intéresse aux enjeux du numérique dans la décision publique urbaine, et plus particulièrement à ses implications sur les relations entre acteurs publics et privés. Qu’est-ce que la smart city change à la fabrique de la ville ? Portrait.
Entretien réalisé par Charlotte Hemery, stagiaire au Forum urbain en 2018.
Quel est votre parcours ?
J’ai commencé mes études supérieures à Sciences Po Bordeaux, où j’ai suivi le master recherche "Sociétés, Pouvoirs et représentations"[1]. J'y ai réalisé un mémoire sur la smart city, dont le titre était "La circulation du référentiel de la smart city et son appropriation bordelaise", sous la direction de Gilles Pinson. Je m’intéressais dans ce travail à la diffusion du terme de smart city, aux luttes définitionnelles qui l’entouraient et à son utilisation dans le cadre du projet Euratlantique à Bordeaux.
Après l’échec d’un projet de thèse soumis à l’école doctorale sur ce sujet, je me suis mise en quête d’un partenaire privé ou public susceptible de financer ma thèse dans le cadre d'une Convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE). C’est à cette période que j’ai rencontré Fabien Cauchi, fondateur et président de Metapolis. Il s'agit d'une société de conseil en action publique et numérique spécialisée sur les questions liées à la smart city, et dont les principaux clients sont des collectivités territoriales qui veulent lancer des projets numériques. L'ambition de Metapolis est de pallier l'asymétrie de compétences entre acteurs publics et privés, dans le but de protéger la souveraineté numérique des collectivités sur leur territoire. Fabien Cauchi a été interessé par mon projet de thèse, et j'ai commencé à travailler avec lui comme consultante avant le début de ma CIFRE, qui a été acceptée début mai 2018.
Présentez-nous vos recherches actuelles. A quels grands enjeux urbains vos travaux répondent-ils ?
Mes travaux portent sur les conséquences du déploiement numérique sur l’action publique urbaine. Je m’intéresse donc à la question de la gouvernance urbaine et à ses transformations. Mon hypothèse est que le numérique bouleverse les relations entre acteurs publics et privés, mais également entre échelles de gouvernance.
Le numérique reste encore peu étudié par les sciences sociales et par la science politique en particulier, ce qui rend la recherche dans ce domaine particulièrement stimulante. Concernant les terrains d’étude, l’idée est de profiter des opportunités liées à la CIFRE, et donc d’étudier des territoires que j’accompagne également en tant que consultante. En ce sens, travailler chez Metapolis facilite l’accès au terrain. Cela entraîne également des contraintes et rend nécessaire un questionnement systématique de mon double positionnement de chercheuse et consultante. Je considère toutefois que ce positionnement singulier est une opportunité et peut permettre d’accéder à des terrains, informations et contacts qui ne seraient pas accessibles sinon.
Pourquoi vous êtes-vous orientée vers la recherche ?
J’ai commencé à m’intéresser à la recherche lors de ma troisième année à Sciences Po Bordeaux. Je faisais en parallèle une licence d’histoire, ce qui m’a amenée à lire de nombreux travaux de recherche, et j’ai adoré ça. Je retrouve toujours ces mêmes moments d’émerveillement lorsque je lis des travaux particulièrement stimulants. Le fait que mes deux parents soient eux-mêmes universitaires à certainement joué aussi dans mon intérêt pour cette "carrière".
Quel est le rôle du chercheur selon vous ?
Je pense que le rôle du chercheur est de permettre une prise de recul, de fournir une vision intelligente, éclairée des enjeux actuels. L’objectif étant ensuite de transmettre les connaissances acquises par la recherche, et de faire un vrai travail de vulgarisation.
A quoi ressemble votre quotidien en tant que doctorante ?
Dans le cadre de ma CIFRE, mon emploi du temps pour les trois années à venir va se partager entre mon travail en tant que consultante, et ma thèse. Ma semaine sera ainsi partagée entre 2 ou 3 jours (en fonction des années) de travail de recherche sur ma thèse, et 2 ou 3 jours de travail dans l’équipe de conseil de Metapolis.
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
Pour l’instant, je me concentre sur ma thèse. A terme, j’aimerais devenir enseignant-chercheur. L’idée première en m’engageant dans la recherche était en effet de devenir Maitre de conférences à l'université.
Que représente pour vous le Forum urbain ?
Le Forum urbain pour moi c’est avant tout une fédération de chercheurs travaillant sur des sujets similaires, ce qui facilite l’enrichissement mutuel. Je pense que le Forum Urbain joue un rôle important en termes de création de réseau notamment. Il rend possible et plus facile la rencontre entre des chercheurs qui travaillent sur des problématiques liées. Cela permet de questionner son propre regard grâce à celui des autres. C’est toujours intéressant de voir ce que d’autres chercheurs font, comment ils se positionnent sur un sujet.
Quelles sont vos lectures du moment ?
Actuellement, je suis plongée dans un polar très noir intitulé Les visages de Victoria Bergman : Persona par Erik Axl Sund. C’est une histoire infernale avec les récits en parallèle d’une policière et d’une psychiatre avec des histoires de meurtre et de torture en trame de fond. A côté de cela, j’ai également des lectures plus classiques comme Zola par exemple.
[1] Renommé depuis "Science Politique et Sociologie Comparatives".