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Université de BordeauxFrance 2023
 

Aurélie Couture, un pied dans la recherche, un autre dans l’opérationnel

Aurélie Couture, un pied dans la recherche, un autre dans l’opérationnel

Architecte et docteure en sociologie, Aurélie Couture a été la cheville ouvrière du Forum urbain depuis sa création. Après avoir interrogé la participation des habitants dans la fabrique urbaine à travers sa thèse, elle a œuvré au rapprochement des mondes universitaire et professionnel autour des questions territoriales. Fin 2020, elle décide de s’envoler vers une nouvelle aventure en rejoignant l’équipe du Cabinet du Président de Bordeaux Métropole. Retour sur son parcours.

Entretien réalisée en 2021 par Julie Clerc, chargée de mission au Forum urbain

Qu’est-ce qui pousse une architecte à faire de la recherche en sociologie ?

J’avais déjà envisagé pendant mes études d’architecture à Lille de poursuivre dans la recherche. Cela m’avait été suggéré par un de mes profs quand je faisais ma HMO[1], et je l’avais gardé en tête. J’ai dans un premier temps commencé à travailler en agence et comme beaucoup d’étudiants, j’ai été frustrée de ce qu’était la réalité du métier d’architecte : la phase créative de conception du projet est extrêmement restreinte par rapport aux phases suivantes qui sont, elles, très techniques. Et puis j’étais aussi interpellée par la posture de l’architecte omniscient…je me souviens d’une architecte pour qui je travaillais qui me disait : « On va certainement pas demander leur avis aux gens, ils n’y connaissent rien ! ». Je crois que c’est ce qui m’a décidée à me lancer dans une thèse, pour interroger la participation des usagers au projet d’architecture. Le sujet s’est ensuite affiné grâce à l’opportunité qui m’a été offerte par la Communauté Urbaine de Bordeaux[2] (CUB) de réaliser ma thèse[3] via un dispositif CIFRE[4] (le premier mis en place au sein de l’établissement). Je me suis ainsi intéressée de 2010 à 2013 aux dispositifs participatifs portant sur des politiques publiques et projets urbains d’envergure métropolitaine.

Mais donc c’est toi qui es arrivée à la CUB avec ton projet de recherche ou eux qui cherchaient des compétences sur ce sujet ?

Un peu les deux parce que la CUB réfléchissait déjà à l’époque au développement des liens avec le monde universitaire et à la participation des habitants au-delà du cadre réglementaire imposé par la loi. En résumé, je suis arrivée au bon endroit au bon moment ! Ça a été des années très riches parce que beaucoup d’expérimentations ont été entreprises à cette époque. J’ai pu y prendre part et les analyser.

Justement, comment articule-t-on le travail de recherche et celui plus opérationnel dans une thèse CIFRE ?

Les thèses CIFRE fonctionnent sur une répartition du temps entre structure professionnelle et recherche, avec souvent plus de temps consacrée à la thèse à la fin. Moi j’ai choisi d’être très présente à la CUB car je ne connaissais pas trop le monde des collectivités, et finalement assez peu celui de la participation, j’ai eu besoin de m’immerger. Il y aussi cette posture pas évidente à adopter du chercheur qui est en train d’analyser quelque chose dont il est aussi acteur. Ça pose pas mal question : comment prendre de la distance par rapport à des pratiques auxquelles je contribue ? comment tourner la critique pour ne pas froisser la structure qui m’accueille et me rémunère ? Au final la question ne s’est pas vraiment posée dans l’écriture parce que j’ai plutôt opté pour une posture constructive qui visait à comprendre ce qui se mettait en place et à en identifier le potentiel.

On y vient : qu’est-ce que tu penses avoir apporté à la CUB à travers tes travaux ?

Je pense que c’est plutôt l’implication dans les pratiques, que la thèse en tant que telle, qui a apportée à la CUB. Comme chargée de mission, j’avais des tâches très opérationnelles, d’élaboration de stratégies de participation, de rédaction de cahier des charges, de suivi des prestataires, et pour autant j’étais doctorante et cela me forçait à garder une attitude réflexive et à m’alimenter de travaux de recherche sur le sujet. C’est donc plutôt dans les débats qu’on a pu avoir en interne sur ce qu’on était en train de faire que mes travaux ont pu avoir un intérêt pour la structure. Après, clairement, je ne pense pas que grand monde ait lu ma thèse (rires), mais c’est le regard du doctorant embarqué qui est intéressant.

Pourquoi avoir ensuite rejoint le projet naissant d’un centre d’innovation sociétale sur la ville / Forum urbain ?

Après mon expérience à la CUB, je n’avais pas forcément envie de continuer à travailler en collectivité. A ce moment, j’ai commencé à enseigner à l’école d’architecture de Normandie à Rouen et j’ai beaucoup aimé ça. En même temps, devenir fonctionnaire dans l’enseignement supérieur et la recherche ne me faisait pas beaucoup plus rêver, je crois que j’avais peur de me retrouver avec un fil à la patte ! Le Forum urbain, ça a été comme une évidence parce que c’était à la fois un territoire que je connaissais bien, sur lequel je pouvais mettre à profit mon réseau pour développer des partenariats, et puis surtout ça me permettait de concilier le monde de la recherche, celui de l’enseignement, et l’opérationnel. En plus de ça, c’était extrêmement stimulant parce qu’il y avait une équipe d’universitaires qui s’était constituée autour de Gilles Pinson dans le cadre d’un projet soutenu par l’IdEx, un budget, des intentions, mais tout restait à imaginer !

Qu’est-ce que tu retiens de tes plus de cinq années passées au Forum urbain ?

C’est passé très vite ! Je retiens d’abord le collectif avec qui j’ai eu la chance de travailler, des personnes extrêmement pointues dans leurs domaines, et humainement extra ; un projet qui au fil des ans a réussi à se structurer, à clarifier son rôle auprès des acteurs, même s’il s’agit d’un processus toujours en cours ; et un projet protéiforme, qui a essaimé et qui continue de vivre sa vie. Je suis toujours surprise d’entendre des personnes que je ne connais pas vanter les mérites du Forum urbain, et me dire suivre régulièrement les rencontres…le Forum a vraiment pris sa place dans le paysage bordelais !

Tu nous dis un mot de tes nouvelles fonctions à la Métropole depuis janvier ?

Oui, finalement je suis revenue à la Métropole (rires) ! Pas sur un poste administratif mais de conseiller politique. Là encore, je suis immergée dans un tas de sujets passionnants car j’accompagne les élus sur les questions d’aménagement, de logement et de dialogue citoyen, donc je reviens un peu à mes premières amours. Je retrouve un travail de réseau, car cela implique d’être en relation avec de multiples d’acteurs pour nourrir la réflexion et s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. J’espère aussi de par cette position faciliter l’éclairage de l’action publique par la recherche, avec entre autres l’appui du Forum urbain !

Qu’est-ce que tu (nous) souhaites au Forum urbain pour la suite ?

Je ne vous souhaite pas un nouveau départ, mais un « beau rebond » disons, parce que la période est charnière, et j’ai toute confiance en l’équipe qui est place. Le fait de passer le relai, c’est aussi l’occasion de renouveler les manières de faire, de développer de nouveaux partenariats. L’évolution du mode de gouvernance et de financement du Forum urbain sera certainement une bonne occasion de remobiliser la communauté universitaire et d’élargir le cercle des partenaires, autour notamment du projet ACT porté par l’Université de Bordeaux. Il y a toujours de nouvelles choses à construire !

Quelques travaux disponibles en ligne :
● [thèse] "Fabrication de la ville et participation publique : l'émergence d'une culture métropolitaine. Le cas de la Communauté urbaine de Bordeaux", thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de Guy Tapie, Université de Bordeaux, 2013, 375 p.
● [article] "Agents territoriaux et consultants "experts" de la participation, des acteurs stratégiques pour l'évolution d'une culture locale", in Biau, Fenker, Macaire, L'implication des habitants dans la fabrication de la ville. Métiers et pratiques en question, Cahiers Ramau 6, éditions de la Villette, 2013, p. 109-122.
● [article] "Réaliser une recherche en immersion : retour d'expérience d'une doctorante actrice de la participation", Colloque du GIS démocratie et participation, Université Paris 8, 29-30 janvier 2015.


[1] Habilitation à Maitrise d’Oeuvre Nom Propre (HMONP), formation assurée par les écoles nationales supérieures d’architecture à destination des architectes diplômés d’Etat souhaitant exercer en indépendants.
[2] Bordeaux Métropole depuis 2015.
[3] Intitulée « Fabrication de la ville et participation publique : l’émergence d’une culture métropolitaine. Le cas de la Communauté urbaine de Bordeaux. », réalisée sous la direction de Guy Tapie, soutenue le 11/12/2013.
[4] Convention Industrielle de Formation par la Recherche, basée sur un partenariat tripartite entre un doctorant, un laboratoire de recherche et une structure professionnelle.


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