Marie-Christine Darmian : l’interdisciplinarité pour horizon commun
Directrice de l’habitat et de l’urbanisme au Conseil départemental de la Gironde, Marie-Christine Darmian met un point d’honneur à concilier le monde universitaire et celui de l’action publique. Penser l’avenir autour de l’échange et de la réflexion commune : voici le défi qu’elle se donne aujourd’hui. Portrait
Entretien réalisé par Samirah
Tsitohaina, stagiaire au Forum urbain en 2021.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours en quelques phrases ?
Dès l’âge
de 16 ans, j’ai commencé à chercher à avoir des expériences professionnelles. J’ai
débuté comme correspondante au Journal Sud-Ouest, puis je suis rentrée au
service des sports du quotidien régional comme pigiste et j’ai été stagiaire à l’agence
de Sud-Ouest à Libourne. Tout cela en continuant mes études à l’Université de
Bordeaux en droit du travail et en droit social. De fil en aiguille, après
avoir été secrétaire de rédaction des publications du Conseil Général de
Gironde, je suis devenue l’attachée de presse du Président. Puis, j’ai occupé
plusieurs postes en collectivité territoriale : directrice de la
communication de la ville de la Teste de Buch, chargée de mission en
aménagement du territoire à l’agence de développement territorial, directrice
générale des services d’une commune et d’un syndicat des eaux. Depuis 2014, je
suis directrice de l’habitat et de l’urbanisme du Conseil départemental de la
Gironde et
formatrice à l’Institut Supérieur des Elus.
Pouvez-vous nous expliquer quelles sont vos missions ?
Notre
rôle, car c’est un travail d’équipe, est de coordonner et de garantir la faisabilité
administrative des politiques de l’Habitat et de l’Urbanisme menées par le
Département en Gironde. Nous avons pour mission d’assurer les solidarités entre
les territoires, mais aussi de fabriquer des outils pour les solidarités
humaines. Que ce soit dans les champs de l’habitat et de l’urbanisme, nous
veillons à la place accordée aux usagers dans les opérations accompagnées par
le Département, aux conditions de leur mise en œuvre sur le territoire et nous créons
des outils pour mener les actions votées par les élus départementaux et les évaluations
de ces politiques publiques.
Quels rapports entretenez-vous avec le monde de la recherche ?
Je suis aussi chargée par
le directeur général des services d’une mission autour de l’enseignement et de
la recherche. Le but est de mettre en place des liens fructueux entre les
acteurs publics et le monde universitaire, ce qui passe nécessairement par la
mise en commun des compétences de chacun et l’apprentissage des uns des autres.
On ne pense pas à avoir recours à un chercheur quand on réfléchit à des situations
vécues au quotidien par les usagers. Pourtant, la recherche en sciences
humaines et sociales permet d’alimenter l’action publique. Les passerelles que
nous construisons avec les chercheurs, les enseignants et les étudiants nous
apportent d’autres regards sur ces situations : c’est intéressant pour
nous de faire ce pas de côté car cela nous permet de prendre du recul et de
voir les choses sous un autre angle.
Comment l'action publique peut-elle être éclairée par la recherche ?
La
recherche et la pratique, ce sont des domaines complémentaires. Dans la
formation et dans la recherche, on vient questionner ce qui est là : on a
une analyse de ce qui s’est fait avant, de ce qui pourrait arriver dans le
futur, mais aussi de ce qu’est fait le présent. Cela permet d’ouvrir le regard
sur des problématiques qu’on n’a pas forcément à portée de connaissance, par
exemple la sédentarisation des gens du voyage observée par les étudiants de
Sciences Po Bordeaux et de l’ensapBx en 2019. C’est un travail qui nous a
obligé à prendre le temps de nous arrêter sur cette question, de revoir les
méthodes et les procédures en place et de repenser notre action auprès de ces
populations. C’est comme dans le jardinage, on a la terre comme base et on
vient l’enrichir avec plus ou moins d’ensoleillement, plus ou moins d’engrais !
Mobiliser la recherche, c’est enrichissant à titre collectif et à titre individuel !
Que représente pour le Forum urbain ?
Nous sommes depuis plusieurs années commanditaire de projets collectifs menés par des étudiants en science politique et en architecture et portés par le Forum urbain[1]. Par ailleurs, le Forum urbain nous a invité à suivre de 2016 à 2019 les travaux d’une équipe de chercheurs du laboratoire PAVE sur l’habitat des personnes âgées. Cette mise en relation nous a permis de prolonger la réflexion en ce sens et de recruter en 2020 Maël Gauneau, doctorant en thèse CIFRE[2], qui travaille sur l’anticipation du vieillissement des personnes âgées à domicile. Le Forum urbain est également partenaire des Journées Girondines de l’Habitat que nous organisons depuis 2016 pour réfléchir aux nouvelles formes d’habiter, en nous aidant à identifier et valoriser des travaux d’étudiants et de chercheurs sur ces thématiques.
Nous
essayons de maintenir des liens réguliers quels qu’ils soient, et cela malgré
la situation actuelle. Ce rapprochement de différents regards et compétences
est très bénéfique pour nous. Ces approches multidisciplinaires alimentent
notre réflexion sur nos futurs communs. Plus on créera des passerelles, plus on
anticipera les enjeux auxquels doivent répondre les politiques publiques.
Quel est le défi le plus urgent aujourd'hui à vos yeux ?
Alors le
défi le plus urgent pour moi en tant que citoyenne et fonctionnaire, c’est de réussir
à fabriquer le monde de demain, de préparer le monde d’après la crise de la
Covid-19, pour la génération suivante. C’est de transmettre un monde vivable,
durable, en commun. Rien ne nous appartient sur terre, donc pour moi, c’est
surtout cette notion de transmission qui est importante : je voudrais être
une véritable « passeuse ». J’ai aussi à cœur que toute personne puisse
avoir un toit car c’est encore loin d’être le cas aujourd’hui.
Quels sont vos loisirs sur votre temps libre ?
Je fais partie de l’Organisation
Non Gouvernementale « Valued Citizens Initiative » fondée par Carole
Podetti et qui s’est donnée pour mission de développer l’éducation citoyenne en
Afrique du Sud. On travaille beaucoup sur la transmission des savoirs. Sinon,
je fais du théâtre et suis membre de deux compagnies : les « Pas
sages Théâtre » et les « Grains de sel ». On prépare deux pièces
: L’appartement, d’Isabelle Chalony et
une autre qui est une métaphore de la place des femmes et des hommes dans le
monde d’aujourd’hui autour de la nouvelle d’Alphonse Daudet la chèvre de Mr Seguin.
La technique théâtrale nourrie mon travail de manager de l’équipe de la
Direction de l’Habitat et de l’Urbanisme. Nous avons notamment travaillé la
technique théâtrale du Théâtre Inversé avec la Compagnie Art H Scène, technique
qui pousse le public à réagir par rapport à l’absurde mis en scène.
Quelques projets/travaux disponibles en ligne :
● [évènement] Les journées Girondines de l'habitat
● [article] "Lesfabriqu’cœur d'habitat de la Gironde", Horizons publics, 21 août 2019
[1] En
2019 « Entre
ancrage et itinérance : de nouveaux modes d’habiter le voyage en
Gironde » et en 2020 « Penser
une direction départementale de l’Habitat mobile ».
[2] Convention industrielle de formation par la recherche