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Université de BordeauxCluster of excellence
 

Marine Luce, doctorante de la contestation

Marine Luce, doctorante de la contestationCrédit photo : Forum urbain

Récemment diplômée de Sciences Po Bordeaux, Marine Luce s'intéresse aux contestations politiques et citoyennes contre la métropole et ses grand projets. Elle s'apprête à démarrer une thèse financée par Bordeaux Métropole dans le cadre du projet "Bordeaux, la métropole en partage ?". Portrait.

Entretien réalisé par Gabrielle Bouin, stagiaire au Forum urbain en 2019.

Quel est ton parcours ?

J’ai grandi en Basse-Normandie, dans un  petit village de l’Orne. J’ai commencé par un bac scientifique parce que j’aimais bien les sciences, mais j’ai finalement changé de voie en poursuivant avec une hypokhâgne, qui fut une année très enrichissante mais trop exigeante pour moi qui envisageais les concours d’Instituts d'Etudes Politiques. Par chance, j’ai eu le concours de Sciences Po Bordeaux à la fin de mon hypokhâgne. En 2016, je suis partie un an à l’étranger, à Brno, en République Tchèque, puis j’ai intégré à mon retour le master de Gilles Pinson intitulé "Stratégies et gouvernances métropolitaines", mon intérêt pour la chose urbaine s’étant déclaré après un cours de sociologie urbaine que j’avais adoré l’année précédente. Je viens tout juste de terminer mon mémoire de recherche de cinquième année, et m’apprête à commencer un contrat de thèse CIFRE[1] d’une durée de trois ans dans le cadre du projet POSPU[2] "Bordeaux, la métropole en partage ?".

Qu'est-ce qui t'a attirée vers la recherche ?nbsp;

Il ne s’agit pas du tout d’une vocation puisque je ne suis pas née là-dedans et que rien dans mon environnement n’aurait pu me destiner à ça… Mon intérêt pour la recherche et la politique est tout de même né relativement tôt : j’ai commencé à lire pas mal d’ouvrages de science politique sans vraiment savoir que c’en était et, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que cela me passionnait et que j’avais moi aussi envie de produire des connaissances en sciences sociales. Il me semble primordial d’accorder du temps à des productions qui puissent s’inscrire dans la durée, afin d’approfondir un sujet et de le maîtriser. Ce que j’aime dans la recherche, c’est l’opportunité de développer une expertise spécifique dans les politiques publiques et la prise de décision, de pouvoir produire de la connaissance qui soit réutilisable par la suite et qui contribue à construire la société dans laquelle on vit.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?nbsp;

Je travaille sur le phénomène de métropolisation, qui est un processus spatial, économique, politique et social passionnant. Mon travail de recherche vise à identifier les critères sur lesquels se construisent les contestations politiques et sociales adressées aux métropoles. Pour cela, j’envisage la métropole comme une institution politique, avec ses propres règles et son propre système de valeur. Je me penche sur les projets de développement métropolitain et sur ce que les métropoles choisissent de valoriser dans leurs politiques publiques, afin de comprendre la manière dont cela est reçu par les métropolitains et les extra-métropolitains. Je considère donc la métropole comme un acteur dont les positionnements engendrent de nouvelles formes de contestations politiques. La métropole serait selon moi vectrice de nouvelles pratiques politiques qui se développent soit via les canaux institutionnels de l’espace métropolitain, soit par des contestation plus informelles.

Comment se passe l'une de tes journées type ?nbsp;

Mon quotidien a un peu changé récemment puisque je suis officiellement diplômée de Sciences Po Bordeaux depuis juin 2019. J’ai rejoint en février l’équipe du Forum urbain dans le cadre d’un stage, et me suis attelée en même temps à la rédaction de mon mémoire de cinquième année sur les mobilisations urbaines contre les grands projets d’aménagement. J’y ai étudié la manière dont les habitants, les structures associatives, syndicats et personnalités politiques intègrent ou contestent le projet Euratlantique, projet qui modifie en profondeur la métropole bordelaise.

Quel est selon toi le rôle du chercheur ?nbsp;

Le chercheur a selon moi un rôle de facilitateur et une vraie responsabilité, dans le sens où il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas l'accès, pas le temps ou pas le niveau d’études nécessaires pour faire ce travail d’approfondissement dont je parlais plus tôt. C’est un énorme privilège de pouvoir accorder du temps à la recherche, le chercheur a donc le devoir de prémâcher les savoirs et de les rendre accessibles au plus grand nombre. C’est pourquoi je m’inscrit plutôt dans une dynamique de recherche-action, afin de répondre aux questions qui se posent dans notre société. Aucun savoir n’est illégitime à mes yeux, chacun peut apporter quelque chose à la recherche et en faire bénéficier la société dans son ensemble.

Quels sont tes projets à venir ?

Comme évoqué un peu plus tôt, je me lance très bientôt dans une thèse CIFRE portée par Bordeaux Métropole, qui sera dans la continuité du sujet que j’ai traité dans mon mémoire de cinquième année. Je partagerai mon temps entre deux structures, Bordeaux Métropole et le Centre Emile Durkheim. Je vais pouvoir participer aux activités de plusieurs services de la Métropole : le Conseil de développement durable (C2D) d'abord, afin de prendre part à des temps forts où se créent des opportunités démocratiques de participation citoyenne, et les service de la valorisation du territoire ensuite. En parallèle, je pourrai continuer à lire, approfondir mon sujet de recherche et échanger avec d’autres doctorant.e.s et chercheur.se.s au sein du Centre Emile Durkheim. A terme j’aimerais pouvoir proposer des activités à mon compte, mais qui sais quelles opportunités se présenteront à moi d’ici la fin de mon doctorat ?

Que représente pour toi le Forum urbain ? Que t'apporte-t-il ?

Le Forum urbain est une plateforme que je connais depuis plusieurs années. Cela a commencé en assistant à certaines rencontres qu'il organise, ce qui m’a aidée à déterminer mon choix de master et m’a confortée dans l’idée que je voulais travailler sur des problématiques urbaines. J’ai eu l’occasion par la suite d’effectuer un stage au sein de cette structure, au cours duquel j’ai notamment pu rédiger un certain nombre des portraits de chercheurs qui se trouvent dans cette galerie ! Le Forum urbain est une plateforme qui a tout à fait sa place dans une ville comme Bordeaux. Les discussions autour des thématiques urbaines sont souvent très sectorisées : science politique, architecture, géographie, sociologie… Il est relativement compliqué de faire travailler des gens ensemble s’ils ne se connaissent pas ; on connaît d’ailleurs souvent mieux les travaux de chercheurs étrangers que ceux des collègues du laboratoire d’à côté, dès lors qu’ils travaillent dans une autre discipline. C’est bien dommage ! Le gros "plus" du Forum urbain, c’est de parvenir à créer un espace d’échange interdisciplinaire et de tisser des liens forts entre chercheurs et société civile, qu’on a malheureusement trop tendance à séparer.

Que fais-tu quand tu ne fais pas de recherche ?nbsp;

Je n’ai pas de passion particulière… J’aime lire des ouvrages sur la ville bien évidemment, ou plutôt bien heureusement… Cela dit j’adore essayer des activités nouvelles, j’ai par exemple testé le roller derby cette année, c’était une super expérience. Mais ce que j’aime surtout, c’est le voyage. Quand j’ai du temps libre sur plusieurs semaines d’affilée, la première chose qui me vient à l’idée est de partir quelque part, spécialement en Europe. Je suis fan de la culture d’Europe de l’Est, des bâtiments fonctionnalistes et de l’architecture brutaliste. Je connais déjà la Roumanie, la Slovénie… également l’Ukraine, pays qui m’a beaucoup marquée. A part ça j’aime aller au cinéma, voir des expos d’art moderne, lire ou aller faire des pique-nique champêtres !

Aurais-tu une lecture ou un film à nous conseiller ?nbsp;

Une lecture que je conseille très fortement est celle du roman Les Furtifs, d’Alain Damasio, qui est sorti tout récemment. Tous ses romans sont super, je suis une grande fan de Damasio et de science-fiction en général. En ce moment je suis plongée dans la lecture des Métropoles barbares de Guillaume Faburel, dont mon objet de recherche est assez proche et qui sera l’invité du Forum urbain en novembre prochain. Et dans la catégorie des séries, Doctor Who sans hésiter !

[1] Convention Industrielle de Formation par la Recherche, basée sur un partenariat tripartite entre un doctorant, un laboratoire de recherche et une structure professionnelle.
[2] Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines.

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