[RETOUR SUR] La ville dans la science-fiction : quels récits des possibles urbains ?

Le 17 avril 2025, le Forum urbain et la Ville de Bordeaux ont  réuni une centaine de personnes au Marché des Douves pour une table ronde autour des liens entre science-fiction et fabrique urbaine. Cette rencontre s’est inscrite dans le prolongement de la publication de l’ouvrage Quand Bordeaux se réinvente – Les biens communs au cœur du projet urbain.

La science-fiction peut-elle nous aider à penser nos futurs urbains ? Lors de cette nouvelle rencontre, c’est la question qui a été posée au panel d’invité·es pluridisciplinaire composé d’Alain Musset (géographe, IUF), Élodie Doussy (urbaniste et autrice), Natacha Vas-Deyres (essayiste, chercheuse associée au Lapril, UBM) et Jean-Yves Meunier (directeur territoire d’avenir, territoire en coopération, Bordeaux Métropole).

Ouverture de discussion par Alain Musset

©Rencontre 17 avril 2025/Forum urbain

En première partie de cette rencontre, Alain Musset a exposé la vision dystopique de la ville dans les œuvres de sceince-fiction. Surpeuplées, totalitaires, inhumaines… Ces villes imaginées font office de repoussoir, alimenté par une vieille tradition d’urbaphobie dans la lignée de Rousseau et des transcendantalistes américains. Il y voit une critique radicale de la métropolisation, où l’imaginaire post-apocalyptique prend le relais d’un rejet ancien de la ville moderne.

Inspirée par la Babylone biblique et les visions de Saint Jean, la SF va jusqu’à imaginer des « apocalypses urbaines », la destruction totale d’une ville, punition d’une humanité trop orgueilleuse. Des films catastrophes d’Hollywood aux villes fantasmées par la littérature ou la bande dessinée, la nature finit généralement par reprendre ses droits, rejoignant dans une version exagérée les récentes politiques de renaturation urbaine

En miroir, Élodie Doussy propose une lecture plus optimiste à travers sa nouvelle publiée dans Quartiers libres – Demain la ville

©Rencontre 17 avril 2025/Forum urbain

C’est la place de la nature dans la ville qu’a interrogé Elodie Doussy à travers le recueil de nouvelles Quartiers libres – Demain la ville, en réponse à Alain Musset. Dans une inversion des valeurs propre à la science-fiction, c’est désormais la nature qui a acquis une place prépondérante. Elle est vue comme la solution aux problèmes urbains, dans une version exagérée des « solutions basées sur la nature » de l’adaptation aux risques urbains. Ici, la posture retenue est plutôt celle de l’utopie, la vision optimiste de la ville idéale.

« Croyez en vous », tel serait le message qu’Eddy Durteste cherche à faire passer auprès des habitant·e·s des quartiers populaires. Retraçant son parcours, M. Durteste montre bien que la colère fut un carburant essentiel pour construire son engagement en tant que « community organizer ». Les destins s’écrivent au singulier, et les cas sont nombreux de réussite ordinaire :  » ni Zidane ni Tapie  » certes, mais d’innombrables récits d’intégration achevée. Entre ces deux pôles, descendant et collectif comme la politique de la ville, émanant du bas et individuel comme l’agency, le panel de solutions reste ouvert pour briser la résignation et combattre les discriminations.

Mise en perspective de l’évolution des imaginaires urbains dans la science-fiction

©Rencontre 17 avril 2025/Forum urbain

En réponse, Natacha Vas-Deyres, a confirmé : la science-fiction a toujours été inscrite dans son temps, reflétant les imaginaires du progrès propres à chaque époque. La ville est particulièrement visée dans les œuvres de science-fiction, puisqu’elle incarne à la fois le plus haut niveau de sophistication technologique et le plus haut niveau de vulnérabilité, comme l’a montré, par exemple, la crise du Covid. Les courants émergents, comme le « solar punk », s’affirment véritablement optimistes, en rupture avec les dystopies précédentes.

De l'imaginaire à urbain

©Rencontre 17 avril 2025/Forum urbain

Enfin, Jean-Yves Meunier a rappellé à propos à quel point gouverner une ville est une tâche délicate, qui nécessite de pouvoir se projeter, de pouvoir anticiper. Avec le changement climatique, l’accent est mis sur les risques et la nécessaire adaptation des espaces urbains. Les multiples et successifs exercices de prospective urbaine conduisent à construire des scénarios des futurs possibles, qui servent ensuite de base à la définition et à la mise en place de l’action publique. Mais la prospective se veut réaliste, et s’éloigne de ce fait de la science-fiction, qui se contente d’être plausible. Là où science-fiction et prospective se rejoignent est plutôt dans la composition de récits autour de la transition écologique, qui cherchent à donner de la cohérence aux politiques de transition engagées depuis maintenant quelques années, mais qui peinent à trouver leur armature idéologique.

Les ouvrages ayant nourri cette rencontre :

– Chères Babylones – Villes rêvées de  l’apocalypse d’Alain Musset

– Quartiers libres – Demain la ville, recueil collectif incluant une nouvelle d’Élodie DoussyFeu ! Au-delà des ruines 

– Quand Bordeaux se réinvente – Les biens communs au coeur du projet urbain de la Ville de Bordeaux

Merci à nos intervenant·es pour la qualité de leurs échanges, et à toutes les personnes présentes lors de cette table ronde pour avoir contribué à la richesse de cette soirée.

Un article de Guillaume Pouyanne & Océane Lecomte 

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