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Université de BordeauxCluster of excellence
 

Rémy Bercovitz : le paysage au service du projet de territoire

Rémy Bercovitz : le paysage au service du projet de territoireCrédit photo : Samirah Tsitohaina / Forum urbain

Paysagiste de formation, Rémy Bercovitz est enseignant-chercheur en géographie humaine à l’ensapBx et au laboratoire PASSAGES. Il s’intéresse au paysage en tant qu’outil de médiation dans les projets de territoire et s’attache à l’expérimentation dans sa pratique de la recherche. Portrait.

Entretien réalisé par Samirah Tsitohaina, stagiaire au Forum urbain en 2021.

Pouvez-vous nous décrire votre
parcours
 ?


J’ai un parcours un peu hybride. J’ai commencé mes études à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. J’y ai réalisé une maîtrise d’histoire sur la construction des grands ensembles dans la banlieue parisienne, une première expérience en matière de recherche extrêmement formatrice pour moi. J’ai ensuite bifurqué en faisant le choix de recommencer mes études à l’ensapBx[1] pour devenir paysagiste. Ce qui m’a conduit à travailler ensuite dans un bureau d’étude en environnement, au cœur d’une équipe pluridisciplinaire. De 2012 à 2015, j’ai fait une thèse CIFRE[2] en géographie humaine au Conseil général des Deux-Sèvres[3], rattachée à l’Université de Bordeaux et au laboratoire ADESS, devenu PASSAGES depuis 2016. J’ai aujourd’hui une triple casquette, celui d’enseignant à l’ensapBx, de chercheur en géographie et géohistoire de l’environnement au laboratoire PASSAGES, mais également de praticien car je continue de travailler sur des projets d’assistance à maîtrise d’ouvrage, en tant que paysagiste indépendant.

Vos recherches sont particulièrement axées sur la médiation environnementale par le paysage ; pouvez-vous nous expliquer ce que cela recouvre ?


Lorsqu’on parle de « médiation paysagère » ou de « médiation environnementale par le paysage », on part de l’hypothèse que le paysage est moins l’objet sur lequel on agit, qu’un outil dont dispose les sociétés et les communautés humaines pour se penser et agir collectivement dans l’environnement. En effet, face à la complexité de la question environnementale, les sociétés ont besoin d’objets intermédiaires. Le paysage peut constituer un de ces objets intermédiaire. Partir du paysage c’est donc se donner la possibilité d’entrer dans la complexité des questions environnementales. Le paysage, c’est un outil qu’on met en partage, une image de l’environnement qui reflète la complexité des relations socio-écologique et socio-environnementale et en cela nous permet d’avoir un biais pour penser et agir sur et dans l’environnement.

Comment menez-vous vos recherches ?

Il y a une dimension expérimentale extrêmement importante dans toutes les recherches que j’entreprends. Je suis systématiquement en relation avec des partenaires locaux, que ce soit des partenaires institutionnels ou non, afin d’aller à leur rencontre et coconstruire le projet avec eux. Par exemple, je travaille actuellement sur une recherche sur les savanes de la Réunion[4]. On se base sur la compréhension de l’histoire environnementale des bas versants de l’ouest de l’île. On réalise des reconstitutions historiques de paysages anciens grâce à l’archéologie, l’analyse d’archives, des observations de terrains et des entretiens menés avec les éleveurs et les acteurs locaux tels que le Conservatoire du littoral, les associations, les municipalités, les pompiers et les éleveurs. Sur cette base des actions culturelles ou des expérimentations de gestion des savanes voient le jour.

Vous utilisez la photographie dans vos travaux: en quoi c'est un outil intéressant pour la recherche ? Comment l'utilisez-vous ?

La photographie c’est un outil intéressant en ce qui concerne l’observation des paysages, et en particulier pour saisir leurs dynamiques. En analysant des photographies anciennes, en les comparant avec des clichés contemporains, on peut atteindre une précision d’observation qu’aucun autre document ne permet. Les corpus photographiques ne peuvent se suffire à eux-mêmes évidemment. Il faut croiser avec d’autres types de données : celles issues du terrain et des rencontres avec ceux qui vivent et agissent sur les territoires. Outre sa très grande précision pour documenter les paysages anciens et les évolutions paysagères, la photographie possède une qualité sensible qui permet de transmettre et de partager beaucoup d’informations. La photographie ce n’est pas un langage codé par une discipline spécifique. Grâce à cette qualité de la photographie, on peut partager des points de vue, échanger des idées. En cela, c’est potentiellement un outil qui peut éclairer la décision publique, ou du moins nourrir les différentes phases d’un projet.

Que représente le Forum urbain pour vous ?

Je suis en relation avec le Forum urbain depuis peu. Le Forum urbain a été l’agent médiateur qui a contribué à rendre possible le dialogue entre la formation des paysagistes de l’ensapBx et la profession de paysagistes organisée autour de la Fédération Française de Paysagisme (FFP) en Nouvelle-Aquitaine et le monde de la recherche via le laboratoire PASSAGES. Ces mondes traitent du même objet –le paysage et l’action paysagère– mais ils ne se parlent pas assez entre eux. Avec le cycle de conférences ‘‘Expérience de Paysages’’ que le Forum urbain accompagne, il devient possible de consolider et amender une réflexion sur la pratique paysagère et le rôle social des paysagistes en permettant à ces différents points de vue de cohabiter. Le Forum urbain, c’est quelque part l’accélérateur d’une machine qui était déjà là et qui nous permet d’avoir plus d’ambitions.

Quels sont vos projets actuels ou à venir ?

En tant que chercheur, il y a deux choses qui me tiennent à cœur : (1) la recherche collective en situation d’interdisciplinarité et d’expérimentation et (2) la recherche comme permettant d’inventer, d’imaginer de nouvelles formes pédagogiques de transmission de connaissances. En parallèle, j’ai plusieurs projets avec le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques autour d’un atlas des paysages et avec le Conseil départemental de la Gironde sur l’aménagement de cours d’écoles végétalisées et non-genrées. Je travaille également avec un collègue du laboratoire PAVE sur le développement de l’éco-pastoralisme dans le Médoc.

Quels sont vos loisirs en dehors de vos activités professionnelles ?

J’ai une grande passion pour la pêche, en particulier en ville, sur les cours d’eau à proximité de chez moi. Sinon, j’aime beaucoup lire ! Un des livres que j’apprécie beaucoup, c’est Le Miasme et la Jonquille d’Alain Corbin : c’est un ouvrage sur l’histoire des odeurs et de notre sensibilité olfactive, qui nous refait plonger au XIXème siècle, et qui touche directement les questions de paysage et d’aménagement.

Quelques travaux disponibles en ligne :
● [article] Pour une pratique paysagiste de la médiation environnementale. Une expérimentation dans la haute vallée de la Sèvre niortaise (avec Serges Briffaud), Yves Luginbühl. Biodiversité, paysage et cadre de vie. La démocratie en pratique, Victoires Éditions, pp.145-158, 2015.
● [article] Capturer le vent du changement La valeur de la photographie comme ressource documentaire d'une histoire des paysages des savanes de la côte sous le vent de La Réunion
(avec Christian Germanaz et Caroline Abéla), Revue française des méthodes visuelles, mis en ligne le 1er juin 2020.
● [article] L’invention du bassin d’Arcachon. Essai sur le désir d’un rivage singulier  (avec Serges Briffaud), Sud-Ouest Européen, Presses Universitaires du Mirail - CNRS, 2018, pp 25-38.


[1] École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux
[2] Convention Industrielle de Formation par la Recherche, basée sur un partenariat tripartite entre un doctorant, un laboratoire de recherche et une structure professionnelle.
[3] Paysage, médiation paysagère et ''bon état écologique'' de la haute vallée de la Sèvre niortaise : mener une enquête historique pour fonder un projet partagé (XVIIIème -XXIème siècles) (archives-ouvertes.fr), Sous la direction de Mayté BANZO et Serge BRIFFAUD, Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2015.
[4] Pour en savoir plus : vidéo du projet Savanes, la liberté sous le vent

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